Maxence Rifflet

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Projection d’un territoire

Un projet du collectif « Des territoires », Maison populaire, Montreuil, 2002 - 2004. En collaboration avec Anaïs Masson, Florence Balboni, Odile Devouges, Claire Soton, Anissa Michalon, Ludovic Michaux et Claire Tenu.

En mars 2002, la Maison populaire propose au collectif « Des territoires » un projet d’intervention dans l’espace public de la ville de Montreuil qui prendrait la forme de projections nocturnes sur les murs de la ville, créant un parcours déambulatoire. Pour répondre à cette invitation, nous n’avons pas cherché à mettre en oeuvre immédiatement la forme proposée. Nous avons préféré une procédure de travail qui prenne en compte les spécificités de Montreuil et qui permette à des habitants de s’y impliquer.

Un travail documentaire et une réflexion sur le territoire urbain ont fait apparaître des thématiques qui interrogent l’actualité d’une ville historique. Montreuil est communiste depuis 1935. L’imaginaire urbain est empreint de cette histoire politique qui explique l’engagement de la municipalité dans le développement et la démocratisation de l’enseignement. Les transformations actuelles du Bas-Montreuil, aux portes de Paris, montrent la tension entre cette culture politique et la pression foncière exercée par la métropole sur sa proche banlieue. La même difficulté sous-tend le débat sur le devenir des trente-cinq hectares de « murs à pêches » en friche, témoins d’un passé horticole à l’origine du parcellaire de la ville. Le territoire est également marqué par l’histoire ouvrière, comme en témoignent les dernières usines du Bas-Montreuil et les formes hétéroclites de pavillons construits par des familles d’ouvriers en bâtiment venus du sud de l’Europe. Enfin, Montreuil réunit la première communauté malienne de France ; la logique migratoire encouragée par l’État et le patronat dans les années soixante, avant la «fermeture des frontières» en 1974, se prolonge aujourd’hui à partir des structures villageoises.

Refusant de se limiter à un traitement documentaire de ces questions, nous avons provoqué, à partir de septembre 2003, des situations d’échange et de travail avec des habitants, des associations et des établissements scolaires. Notre intention n’était pas de « faire parler » les habitants ni de les représenter. Nous voulions mettre au jour des figures significatives et expressives du territoire, peut-être même transcrire, sinon incarner, la parole dans l’image. Cette visée qui suppose une recherche formelle autant qu’un dialogue de terrain a donné lieu à quatre expositions successives à la Maison populaire.

Plus qu’une synthèse, l’exposition Projection d’un territoire est une forme. Huit séquences d’images, projetées en diapositives et déployées dans l’espace, se succèdent sur le modèle du cinéma muet. Chaque séquence occupe l’ensemble de l’espace d’exposition. Le dispositif associe simultanément le montage dans le temps – la succession des images sur un même projecteur – et dans l’espace – la co-présence de plusieurs images. Les séquences hétérogènes dans leur forme et dans leur contenu s’enchaînent en relation les unes avec les autres. Cette proposition n’est pas une exposition collective mais l’exposition d’un collectif, un récit à plusieurs voix.

L’urbain et la photographie associés représentent pour nous la rencontre possible d’une objectivité documentaire – héritée du principe optique à l’origine de la photographie – et d’une expérience poétique de projection dans le monde.

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